Mars qui rit et mars qui pleure
Aujourd’hui, chez moi, il pleut. Et pourtant …
Nous voici en mars
Tôt ce matin, les oiseaux chantaient. Il y a comme un mouvement qui monte de la terre en même temps que les jours grandissent. Comme si la sève en mouvement dans les arbres et les bulbes en effervescence sous la terre se rendaient peu à peu perceptibles à celles et ceux qui se posent et écoutent.
Me revient alors, comme à chaque début de mars, (désolée pour ceux de mes lecteurs qui en ont déjà eu écho !!) ce poème de Théophile Gautier : « Tandis qu’à leurs oeuvres perverses / Les hommes courent haletants, / Mars qui rit, malgré les averses, / Prépare en secret le printemps. »
A la poursuite d’oeuvres perverses …
Tandis qu’à leurs œuvres perverses … pour la petite fille que j’étais quand j’ai appris ce poème, ce vers avait un accent de mystère : qu’est-ce que ça peut bien être des œuvres perverses ?
Aujourd’hui, en tant qu’adulte qui connaît et l’usage courant du terme « pervers » et son usage psychologique, j’ai eu envie de replonger dans le dictionnaire pour en découvrir l’étymologie : pervers vient du latin « perversus » qui signifie au sens propre « renversé » et au sens figuré « appliqué à contre temps ».
Voilà qui pose une lumière intéressante sur ces « œuvres perverses » : n’accomplissons-nous pas des œuvres perverses chaque fois que nous « renversons » et que nous « appliquons à contre temps » nos actes ? Chaque fois que nous courons à contre-courant, écoutant les sirènes qui, comme celles rencontrées par Ulysse au cours de son voyage, nous promettent gloire, puissance, honneur, tout en nous laissant haletants, chancelants, pantelants et parfois même … mourants ?
… ou à l’écoute de ce qui oeuvre en nous et … dans la nature ?
Les œuvres perverses après lesquelles nous courons ne sont-elles pas celles qui nous empêchent de prendre le temps de nous arrêter, d’écouter comment le vieux bonhomme hiver commence à céder peu à peu le terrain au jeune printemps, dans un pas de deux contrasté et vivant ?
Alors, en ce début de mars, dans cette frontière entre hiver et printemps, si nous posions un regard sur tout ce qui nous fait courir et nous rend haletants pour faire le tri dans nos œuvres ? Si nous faisions une pause pour écouter la sève monter au creux des arbres, les bulbes gonfler sous la terre et la vie irriguer notre coeur ?